Note

Cinquante ans après la tenue du Congrès de l'Internationale anti-autoritaire (Saint-Imier 15-16 septembre 1872), un groupe d'anarchistes a réaffirmé les principes qui étaient à la base du Congrès.

Source : Le réveil, 16 Septembre 1922

 


 

Les quatre résolutions de Saint-Imier résument admirablement les principes anarchiques et à cinquante ans de distance nous n’avons rien à changer, tous les événements en ce laps de temps n’ayant fait que les confirmer.

Répétons-les ici en souhaitant que tous les camarades puissent être bientôt pénétrés et que nous n’ayons plus le spectacle fort regrettable de flottements incompréhensibles, même en présence de l’un de ces grands égarements dont les masses n’ont été que trop coutumières tout au long de l’histoire.

Rappelons-nous que notre idée non seulement est fort belle en tant que théorie, mais qu’il n’y a jamais eu de pratique vraiment puissante, féconde et favorable aux opprimés qui ne fût en réalité une pratique anarchique.

La vie elle-même est anarchique par définition. Ellen ne peut avoir qu’en elle ses propres lois, auxquelles se conformer aussi vis-à-vis d’influences extérieures. Ceux qui rêvent d’une législation et d’une discipline universelles reviennent à la plus funeste prétention des anciennes théogonies et aboutissent toujours à greffer sur leur nouvelle autorité une nouvelle exploitation des masses.  

Plus de maître ni dans le ciel ni sur la terre et vive à jamais l’Anarchie !

 


 

Principes de libre entente

Considérant que l'autonomie et l'indépendance des fédérations et sections ouvrières sont la première condition de l'émancipation des travailleurs ;

Que tout pouvoir législatif et réglementaire accordé aux Congrès serait une négation flagrante de cette autonomie et de cette liberté :

Le Congrès dénie en principe le droit législatif de tous les Congrès soit généraux soit régionaux, ne leur reconnaissant d'autre mission que celle de mettre en présence les aspirations, besoins et idées du prolétariat des différentes localités ou pays, afin que leur harmonisation et leur unification s'y opère autant que possible : mais dans aucun cas la majorité d'un Congrès quelconque ne pourra imposer ses résolutions à la minorité.


Principe d'unité

La grande unité de l'Internationale est fondée non sur l'organisation artificielle et toujours malfaisante d'un pouvoir centralisateur quelconque, mais sur l'identité réelle des intérêts et des aspirations du prolétariat de tous les pays, d'un côté, et de l'autre sur la fédération spontanée et absolument libre des fédérations et des sections libres de tous les pays.


Principes en matière politique

Le Congrès réuni à Saint-Imier déclare :

1° Que la destruction de tout pouvoir politique est le premier devoir du prolétariat ;

2° Que toute organisation d'un pouvoir politique soi-disant provisoire et révolutionnaire pour amener cette destruction ne peut être qu'une tromperie de plus et serait aussi dangereuse pour le prolétariat que tous les gouvernements existants aujourd'hui ;

3° Que, repoussant tout compromis pour arriver à l'accomplissement de la Révolution sociale, les prolétaires de tous les pays doivent établir, en dehors de toute politique bourgeoise, la solidarité de l'action révolutionnaire.


Principes en matière syndicale

La liberté et le travail sont la base de la morale, de la force, de la vie et de la richesse de l'avenir. Mais le travail, s'il n'est pas librement organisé, vient oppressif et improductif pour le travailleur ; et c'est pour cela que l'organisation du travail est la condition indispensable de la véritable et complète émancipation de l'ouvrier.

Cependant le travail ne peut s'exercer librement sans la possession des matières premières et de tout le capital social et ne peut s'organiser si l'ouvrier, s'émancipant de la tyrannie politique et économique, ne conquiert le droit de se développer complètement dans toutes ses facultés. Tout État, c'est-à-dire tout gouvernement et toute administration des masses populaires, de haut en bas, étant nécessairement fondé sur la bureaucratie, sur les armées, sur l'espionnage, sur le clergé, ne pourra jamais établir la société organisée sur le travail et sur la justice, puisque, par la nature même de son organisme, il est poussé fatalement à opprimer celui-là et à nier celle-ci.

Suivant nous, l'ouvrier ne pourra jamais s'émanciper de l'oppression séculaire, si à ce corps absorbant et démoralisateur il ne substitue la libre fédération de tous les groupes producteurs, fondée sur la solidarité et sur l'égalité.

En effet, en plusieurs endroits déjà on a tenté d'organiser le travail pour améliorer la condition du prolétariat, mais la moindre amélioration a bientôt été absorbée par la classe privilégiée qui tente continuellement, sans frein et sans limite, d'exploiter la classe ouvrière. Cependant, l'avantage de cette organisation est tel que, même dans l'état actuel des choses, on ne saurait y renoncer. Elle fait fraterniser toujours davantage le prolétariat dans la communauté des intérêts, elle l'exerce à la vie collective, elle le prépare pour la lutte suprême. Bien plus, l'organisation libre et spontanée du travail étant celle qui doit se substituer à l'organisme privilégié et autoritaire de l'État politique, sera, une fois établie, la garantie permanente du maintien de l'organisme économique contre l'organisme politique.

Par conséquent, laissant à la pratique de la Révolution sociale les détails de l'organisation positive, nous entendons organiser et solidariser la résistance sur une large échelle. La grève est pour nous un moyen précieux de lutte, mais nous ne nous faisons aucune illusion sur ses résultats économiques.

 


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