Note

Un appel extrêmement puissant à tous les travailleurs pour qu'ils ne deviennent ni de la chair à canon ni un instrument de répression.

Source: Affiche murale apparue sur les murs de Paris en octobre 1905

 


 

Conscrits

Voici l’instant venu de payer votre dette à la patrie. Dans quelques jours vous allez abandonner tout ce qui vous est cher : familles, amis, amante, pour revêtir l’infâme libre militaire. Vous allez délaisser vos intérêts et votre travail pour vous embrigader dans le troupeau de brutes auquel on enseigne l’art de tuer.

Comme nous l’avons fait les années précédentes pour vos aînés, nous venons à vous et vous invitons à réfléchir. Avant de renoncer définitivement à votre qualité d’homme, avant que votre raison n’ait complètement sombré dans ces bagnes déprimants que sont les casernes, penser à ce que vous aller faire.
Travailleurs, vous vous devez avant tout à la classe ouvrière. La Patrie bourgeoise qui vous réclame des années de servitude et qui exige au besoin le sacrifice de votre existence, n’a jamais été pour vous qu’une marâtre.

Vous ne lui devez ni dévouement ni obéissance.

Quand on vous commandera de décharger vos fusils sur vos frères de misère — comme cela s’est produit à Chalon, à la Martinique, à Limoges — travailleurs, soldats de demain, vous n’hésiterez pas  : vous obéirez. Vous tirerez, mais non sur vos camarades. Vous tirerez sur les soudards galonnés qui oseront vous donner de pareils ordres.

Quand on vous enverra à la frontière défendre le coffre-fort des capitalistes contre d’autres travailleurs abusés comme vous l’êtes vous-mêmes, vous ne marcherez pas. Toute guerre est criminelle. À l’ordre de mobilisation vous répondrez par la grève immédiate et par l’insurrection.

Au premier Mai 1906, peu d’entre vos camarades qui luttent contre l’oppression patronale affirmeront leur volonté de ne travailler que huit heures par jour. En cette revendication on vous demandera de noyer dans le sang cet élan l’indépendance et de dignité ouvrières. Mai là encore, conscrits, vous refuserez d’assumer ce rôle de basse police en proclamant l’étroite solidarité qui vous unit aux manifestants.

Voila ce que vous ferez, conscrits. Voila ce qu’il vous faut, dès aujourd’hui, examiner.

Songez bien que vous avez contracté des devoirs envers la classe à laquelle vous appartenez. Songez bien que votre intérêt est[intimement lié à celui de tous les travailleurs.

Manquer à ces devoirs, oublier ces intérêts, ce serait plus qu’une faiblesse, ce serait une trahison.
Jeunes camarades, conscrits, vous ne mentirez pas aux espérances des travailleurs. Vous n’abandonnerez pas le peuple dont vous êtes. Vous ne trahirez pas la masse des exploités: LA VOTRE  !

Le Comité National

Amédée Bousquet, Laurent Tailhade, Clément, Urbain Gohier, Roger Sodria, Gustave Hervé, Lefebre, G. Desplanque, Miguel Almereyda, Amilcare Cipriani, Le Guéry, Felicie Numietska, Laporte, Lazare Rogeon, Georges Yvelot, Pataud, Nestor Bosche, Arnold Bontemps, Le Blavee, Han Ryner, Castagné, Louis Grandidier, Duberos, Eugène Merle, René Mouton, M. Frontier, Garnery, P. Chanvin, Nicolet, Emile Goulais.

Appel signé également par plusieurs sections de travailleurs antimilitaristes anarchistes en France.

 


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