Note
Un témoignage direct extraordinaire sur la vie dans l'Allemagne sous Hitler, qui démantèle beaucoup de mythes qui accompagnent, encore aujourd'hui, trop de gens nourri par la propagande étatiste dès leur naissance.
Huit semaines de séjour, quatre d'enseignement. Essayons de faire le point, parmi tant de petits faits contradictoires, notés au jour le jour et sans souci de leur possible insignifiance. Le mieux sera sans doute d'envisager l'un après l'autre quelques types sociaux très courants, et quelques situations bien circonscrites.
Les bourgeois. - J'arrivais de Paris persuadé que l'hitlérisme est un mouvement « de droite », une dernière tentative pour sauver le capitalisme et les privilèges bourgeois, comme disent les socialistes; ou encore: un rempart contre le bolchévisme, comme disent les réactionnaires.
Je vois beaucoup de bourgeois: professeurs, médecins, commerçants, industriels, avocats, employés, rentiers plus ou moins ruinés: il me faut bien reconnaître qu'ils sont tous contre le régime. C'est un bolchévisme déguisé, répètent-ils. Drôle de « rempart ». Ils se plaignent de ce que toutes les réformes soient en faveur des ouvriers et des paysans ; et que les impôts prennent les proportions d’une confiscation de capital ; et que la vie de famille soit détruite, l’autorité des parents sapée, la religion dénaturée, éliminée de l’éducation, persécutée par mille moyens sournois, méthodiquement.
Mais si je les interroge sur leurs projets de résistance, ils se dérobent. Je parviens à leur faire avouer que le bolschévisme brun est tout de même, à leurs yeux, moins affreux que le rouge. Il n’y a pas eu de massacre. Tout se passe d’une manière progressive et ordonnée. Bientôt ils n’auront plus de fortune, mais ils conserveront leurs titres et leurs fonctions, sous des maîtres nouveaux. (Le gouverneur de la province est un ancien employé de postes, ventripotent et qu’on juge très vulgaire).
Partout la même crainte paralyse en germe tout essai de résister: si ce n'étaient pas les bruns qui avaient le pouvoir, ce seraient les rouges. Ils n'imaginent pas d'autre alternative. De fait, ces « possédants » n'ont jamais cru au régime de Weimar. Il n'y a sans doute pas en Europe de classe plus indifférente à la vie politique, plus passive vis-à-vis de l'État, plus lâche devant le fait accompli, - et toujours accompli par d'autres, forcément - plus dénuée d'esprit civique, pour tout dire.
Par un curieux paradoxe, c'est le régime national-socialiste qui est en train de leur faire découvrir le fait social et les problèmes qu'il pose. D'une part, la force et la rapidité de l'ascension hitlérienne ont été l'expression directe d'une carence du sens civique, loi générale qui se vérifie dans tout pays totalitaire. D'autre part, le régime nouveau a pris à tâche d'éduquer tout ce monde: d'où le didactisme pesant des innombrables discours politiques et des leaders de la presse mise au pas.
Certes, les Allemands ont toujours eu le sens du groupe, et l'on est trop souvent tenté d'expliquer le national-socialisme par ce besoin de marcher ensemble, de chanter ensemble, de boire et de penser ensemble. En réalité, ce phénomène est aussi vieux que les Allemagnes ; il ne peut donc rien expliquer de ce qui se passe de tout nouveau. Un régime totalitaire n'exprime point tant l’âme collective d’un peuple que le besoin de porter remède a ses carences profondes, et de les compenser. Hitler est en train d'opérer un dressage du peuple allemand (comme Staline, un dressage du russe), dressage dont les buts n'ont rien de traditionnel, bien au contraire. Tous les efforts de la propagande pour restaurer je ne sais quel hypothétique et préhistorique germanisme sont destinés - plus ou moins consciemment - a masquer le caractère anti-allemand des méthodes qu'on applique en fait. Méthodes prussiennes, disent les Allemands du Sud; méthodes slaves grognent les Prussiens. Méthodes jacobines, à mon sens. Car ce qu’il s'agit d'inculquer à cette inerte bourgeoisie, ce n'est pas le sens du groupe, qu'elle avait, mais le sens de l’Etat, qu'elle n'a pas. La sens de l'unité allemande, de la prépondérance de l'intérêt allemand sur les intérêts de classe, et sur tout intérêt privé.
Voilà la grande révolution, dans un pays où la vie intérieure d'une part, et la séparation des classes de l'autre, étaient les vrais fondements des moeurs. Seulement, il y a cette différence profonde entre le jacobinisme et le national-socialisme: c'est que le premier parlait des droits du citoyen, tandis que le second ne parle que de ses devoirs. Je ne vois pas de raisons théoriques de préférer l'un de ces systèmes à l'autre. Ou plutôt chaque raison qui se présente, aussitôt en évoque une contraire; c'est un vertige dialectique.
Un petit industriel. – Avant 1933, sa vie était impossible : grèves, menaces de mort de ]a part des extrémistes, discussions épuisantes avec le syndicat, trésorerie en délire. C'était la « liberté ». Maintenant, plus rien n'est libre, mais tout marche, assure-t-il, ou va marcher. Plus de discussions. Le « Führer d'entreprise » n'a pas le droit de renvoyer ses ouvriers, mai ceux-ci n’ont pas le droit de se mettre en grève. La paix sociale a été obtenue par la fixation des devoirs réciproques à un niveau de justice fort médiocre, mais stable. - En somme, vous êtes content ? Il sourit, hausse un peu les épaules, fait oui de la tête. Demain il doit partir pour un Schulungslager (camp d'éducation sociale). Ça ne l'enchante pas.
Je le revois trois semaines plus tard.
- Ce camp ? - Eh bien voilà: nous étions dans une grande maison, logeant deux par deux dans des chambres confortables. J'avais pour compagnon un ouvrier de mon usine. On apprend à se connaître en partageant la même chambre. Nous suivions des cours de politique et d'économie. Nous chantions ensemble. On nous interrogeait. La plupart des soirées libres, nous les passions en commun à l'auberge du village...
Je le sens tout rajeuni: il est retourné à l'école; et tout délivré : ces: ouvriers sont au fond des braves types, on peut leur parler sans relever le menton...
J’ai cru pouvoir déduire des propos de ce petit patron et de quelques autres, une réponse un peu moins grossière à la question courante : le régime est-il de gauche ou de droite? Voici: le régime est beaucoup plus à gauche qu'on ne le croit en France, et un peu moins qu'on ne le croit chez les bourgeois allemands. Mais sans doute une réponse exacte ne saurait-elle être donnée, la question étant elle-même fort irréelle dès que 1'on quitte le plan de la polémique; (relative à des partis-pris opposés mais incommensurables, et par nature, indépendants de toute information précise.).
Un communiste. – Dans sa petite cuisine, où nous sommes attablés, depuis deux heures il me raconte ses bagarres avec les nazis, avant 1933, quand il était en feldgrau (l’uniforme des communistes) et les autres en brun. C’est un dur. Chômeur depuis sept ans. Ancien chef d’une Kameradschaft (compagnie de miliciens rouges). Irréductible, il me l’affirme solennellement. Mais lui aussi se sent trop vieux pour continuer la lutte, il a 50 ans. Se bagarre encore ? Ils ne sont pas comme ça, les ouvriers allemands. « Vous autres Français, me dit-il, vous ne rêvez que révolutions et émeutes. Vous ne savez pas ce que c’est. Nous en avons eu assez chez nous. Maintenant nous voulons du travail et notre tasse de café au lait le matin. Qu’on nos donne ça, Hitler ou un autre, ça suffira. La politique n’intéresse pas les ouvriers quand ils ont de quoi manger et travailler. Hitler ? Il n’a qu’à appliquer son programme, maintenant qu’il a gagné. C’était presque le même programme que le nôtre ! Mais il a été plus malin, il a rassuré les bourgeois en n’attaquant pas tout de suite la religion … »
Tout d’un coup il se lève de son tabouret et avec un grand geste, le doigt pointé en l’air : « Je vais vous dire une chose : si tous l’abandonnent, tous ces grands cochons qui sont autour de lui (et il nomme les principaux chefs du régime) eh bien moi ! (il se frappe la poitrine) moi je me ferai tuer pour lui ! » Et il répète : « Lui au moins, c’est un homme sincère, et c’est le seul… »
Parents et enfants. – Déjeuner chez un avocat. Madame se plaint : « Il n’a plus de vie de famille avec ce système. Tous les soirs, deux de mes enfant sur trois sont pris par le Parti. Ma fille aînée a 18 ans. Elle est « Füherin » d’un groupe de jeunes filles qu’elle doit commander deux fois par semaine : gymnastique et culture politique. De plus, elle a la charge de trouver des places pour ses subordonnées, de s’occuper des secours à donner aux plus pauvres, de les visiter quand elles sont malades (c’est un contrôle), et même, c’est arrivé plus d’un fois, de régler des questions très délicates, enfants naturels, etc., vous me comprenez. Vous imaginez qu’avec cela, nous ne la voyons plus guère. Et comment voulez-vous que les parents gardent leur autorité ? Le Parti passe avant tout. Si nous voulions empêcher notre fil, qui a 15 ans, de sortir un soir qu’il est un eu malade, par exemple, nous risquerions une mauvaise histoire avec les autorités du Parti. Nous ne sommes que des civils pour nos enfants. Eux, ils se sentent des militaires. »
Plainte vingt fois entendue. Les enfants sont ravis, naturellement. Ils se sentent libres. Car la liberté, pour un adolescent, c’est tout ce qui ne dépend pas de la famille, fût –ce la plus dure discipline, pourvu qu’elle soit extérieure au foyer.
Je ne dirai plus que le « fascisme » tue l’esprit d’initiative. C’est le contraire. Comparez la jeune Füherin à une jeune fille du même âge, chez nous ! Mais l’initiative qu’on exige, c’est celle qui sert à l’État et qui est prévue par lui : c’est celle que la tactique moderne exige du soldat dans le terrain. Mais s’emparer de la liberté même des jeunes, voilà le totalitarisme.
Compensations. – Staline proclame une religion du travail et les Russes sont les plus paresseux des hommes ; Mussolini une religion de l’Empire, et c’est à peine si les Italiens avaient jamais été une nation ; Hitler une religion de l’État, et les Allemandes l’apprennent péniblement, avec un pédantisme pathétique … N’allons pas faire, nous, une religion de la Liberté ! Ce serait le signe que nous en perdons le goût et l’usage naturel, spontané.
Contrôle. Chaque fois que l’on m’envoie un livre de France, je dois aller le retirer au bureau de douane. Ce matin, il s’agissait de l’innocente biographie d’une femme de bien … - Est-ce un ouvrage politique ? me demande l’employé. - Comment voulez-vous que je le sache ? Donnez-le moi d’abord, s’il vous plaît, et je vous répondrai dans huit jours. D’ailleurs tout est politique chez vous, même les biographies de sœurs d’hôpital, je pense. - L’insolence paralyse un fonctionnaire allemand. Il se met à suer à grosses gouttes. Il cherche une chicane … Voilà : son index inquisiteur désigne les mots dix hors-textes, sur la couverture. Je lui donne une explication technique aussi pédante que possible. - Il y a donc des papiers joints à ce livre ? - Oui, des papiers secrets comme vous le voyez, puisque c’est imprimé sur la couverture. - Il lance le livre sur la banquette et bat en retraite.
Une cérémonie sacrée. – Trois heures de l’après-midi, dans un café près de l’Opéra. Je dis à mon compagnon, le dramaturge suisse-allemand L. : - Vous y croyez vous, à l’âme collective ? Est-ce que ce n’est pas une formule grandiloquente pour désigner l’absence d’âme personnelle chez les individus charriés par le mouvement mécanique d’une foule ? L. hoche la tête : - Aller écouter le Führer, nous en reparlerons demain. Seulement allez-y tout de suite, car les portes ouvrent à 5 heures. - Mais il n’est annoncé que pour 9 heures, et j’ai une carte. - Venez voir ! Du seuil du café, l’on aperçoit toute la place de l’Opéra. Des milliers de S.A et de S.S y sont déjà rangés immobiles. Le Führer viendra au balcon à 11 heures. D’ici là ces hommes ne bougeront pas.
Je suis venu avec l’idée d’écouter aussi la foule. Je me trouve au milieu d’ouvrier, de jeunes miliciens du Service de travail, de jeunes filles, de femmes pauvrement vêtues : ils ne disent presque rien. On se passe une lorgnette, une saucisse. On se demande l’heure. Parfois un bruit de houle parvient par les baies ouvertes, cent milles hommes battent les murs de la halle.
Quelques femmes s’évanouissent, on les emporte, et cela fait un peu de place pour respirer. Sept heures. Personne ne s’impatiente, ni ne plaisante. Huit heures. Les dignitaires du Reich apparaissent, annoncé par le clameur de l’extérieur. Goering, Blomberg, des généraux salués par des heil joyeux. Le gouverneur de la province nasille des lieux communs, mal écouté. Je suis debout, malaxé et soutenu par la foule, depuis bientôt quatre fois soixante minutes. Est-ce que cela vaut la peine ?
Mais voici une rumeur de marée, des trompettes au dehors. Les lampes à arc s'éteignent dans la salle, tandis que des flèches lumineuses s'allument sur la voûte, pointant vers une porte à la hauteur des premières galeries. Un coup de projecteur fait apparaître sur le seuil un petit homme en brun, tête nue, au sourire extatique. Quarante mille hommes, quarante mille bras se sont levés d'un seul coup. L'homme s'avance très lentement, saluant d'un geste lent, épiscopal, dans un tonnerre assourdissant de heil rythmés. (Je n'entends bientôt plus que les cris rauques de mes voisins sur un fonds de tempête et de battements sourds). Pas a pas il s'avance, il accueille l'hommage, le long de la passerelle qui mène à la tribune. Pendant six minutes, c'est très long. Personne ne peut remarquer que j’ai les mains dans mes poches ; ils sont dressés, immobiles et hurlant en mesure, les yeux fixes sur ce point lumineux, sur ce visage au sourire extasié, et des larmes coulent sur les faces, dans l'ombre.
Et soudain tout s'apaise. (Mais la marée de nouveau s'enfle au dehors). Il a étendu le bras énergiquement - , les yeux au ciel - et le Horst Wessel Lied monte sourdement du parterre. « Les camarades que le Front Rouge et la Réaction tuèrent - marchent en esprit dans nos rangs. »
J'ai compris. Cela ne peut se comprendre que par une sorte particulière de frisson et de battement de cœur – cependant que l'esprit demeure lucide. Ce que j’éprouve maintenant, c’est cela qu'on doit appeler l'horreur sacrée. . . Je me croyais à un meeting de masses, à quelque manifestation politique. Mais c'est leur culte qu'ils célèbrent ! Et c'est une liturgie qui se déroule, la grande cérémonie sacrale d'une religion dont je ne suis pas, et qui m'écrase et me repousse avec bien plus de puissance même physique, que tous ces corps horriblement tendus. Je suis seul et ils sont tous ensemble.
Le journal de ce matin écrit: - « Lorsque le Führer s'écria: Je ne puis vivre que si ma foi puissante dans le Peuple Allemand est sans cesse renforcée par la foi et la confiance du Peuple en moi ! - un seul cri des masses confessant leur fidélité lui répondit. » Je n’oublierai plus ce « cri », cette clameur instantanée de 40.000 humains dressés d'un seul élan. « Une ère nouvelle commence ici ... Non, ce n'est pas de haine qu'il s'agit, mais d'amour. J'ai entendu le râle d'amour de l'âme des masses, le sombre et puissant râle d'une nation possédée par l'Homme au sourire extasié, - lui le pur et le simple, l'ami et le libérateur invincible ... .
J'ai' envoyé un récit du discours à des amis de France: copie des notes de ce journal. Je n'ai ajouté que ceci en conclusion: « Chrétiens, retournez aux catacombes ! Votre « religion » est vaincue, vos cérémonies modestes, vos petites assemblées, vos chants traînants, tout cela sera balayé. Il ne vous restera que la fois. Mais la vraie lutte commence là.
Huit jours a Paris. - Extrême difficulté de faire comprendre ici la chose qui est en jeu là-bas: il m'a fallu, sur place, des mois pour la comprendre. Je m'étonne après coup de mon aveuglement, comme l’initié qui se souvient de ses vaines frayeurs, de ses questions naïves quand il passait par les premières épreuves : et maintenant tout s’éclaire et s’enchaîne.
« Il doit y avoir une clé » écrivais-je à ce moment. Je l’ai trouvé, cette clé, mais à présent, comment faire sentir aux Français ce que j’ai senti, ce que j’ai miterlebt ? (Le mot n’est pas même traduisible). Les plus puissantes réalités de l’époque sot affectives et religieuses, et l’on ne me parle que d’économie, de technique politique et de droit. Lorsque j’essaye d’évoquer ce discours qui m’a révélé « leur » secret, pour peu de passion que j’y mette, on m’apprend que je suis hitlérien ! C’est que les hommes de notre temps ne croient pas au jugement de l’esprit mais seulement au frisson des tripes.
A force de vouloir « expliquer » le régime hitlérien, je m’aperçois que je suis contraint bien malgré moi, de le défendre ou de m’en donner les airs. Par exemple : on me dit : les nazis veulent la guerre. Je réponds : non, ils en ont peur. On me dit qu’ils sont des capitalistes et bourgeois. Je réponds : non, ils tournent le dos à tout cela, vers quoi se jettent depuis peu vos communistes staliniens. On me dit que socialement, ils n’ont rien fait de sérieux, et que leur socialisme est une façade. Je réponds : non, c’est leur nationalisme (au sens bourgeois) qui est pour eux un moyen de séduire les droites et de faire peur à l’étranger ; mais l’arrière-pensée du régime c’est le socialisme d’État le plus rigide qu’on ait jamais rêvé ; pas un bourgeois n’y survivra. On me dit encore : la plus grande part du peuple allemand gémit sous la botte du tyran. Je réponds : non, l’opposition se réduit réellement de jour en jour ; il y a moins de colère chez eux qu’ici contre le régime établi ; et quand il y en aurait autant, ce serait peu au regard de l’amour que le grande nombre a voué au Führer. Que voulez-vous, M. Hitler persuade mieux que M. Sarraut.
Je ne dis pas cela comme on le croirait, par souci d’impartialité. Un général qui étudie le terrain de sa bataille décisive n’est pas précisément ce qu’on nomme impartial, mais s’il est incapable d’estimer objectivement les forces en présence, il ferait mieux de s’occuper de politique. Or, ceux qui parlent pour ou contre Hitler, en France, parlent en réalité pour ou contre Blum, en toute ignorance d’Hitler. Vous, déserteurs de la bataille économique, vous qui exportez vos capitaux, l’homme que vous admirez vous ferait décapiter : voici le texte de la loi, je n’invente pas. Et vous, rêveurs d’une liberté sociale assuré par l’État prolétarien, celui que vous haïssez réalise votre rêve, et plus habilement que Staline : loin de vous fusiller, il vous donnerait un grade dans son Front du Travail, comme à vos camarades … Mais je rencontre un peu partout des gens qui déploient une si grande énergie pour éviter le reproche de naïveté dans le monde ou dans les affaires, qu’après cela, on n’oserait plus leur demander le petit effort supplémentaire de distinguer entre Hitler d’Allemagne et l’Hitler de M. Bailby. Ils sont fatigués d’avoir peur. Un peu de vérité les tuerait.
Conclusion 1938. - Deux années se sont écoulées depuis la fin de ce Journal. Je ne vois pas qu'elles aient rien apporté qui puisse motiver des retouches. Il est un point toutefois que certain événements se sont chargés de me rendre encore plus clair, et sur lequel on n'insistera jamais assez: la nature religieuse de l'hitlérisme. Ce n'est pas une découverte, tous les journaux en parlent aujourd'hui. Mais je crains qu'on n'en parle un peu vite, par image, par ouï-dire ou par manière de dire. Il faut en parler sérieusement!